Interview d'Inès DAOUD MALOUCHE (promo 2009)
Interview réalisée dans le cadre du dossier "Ingénieurs ENSTA Paris et nucléaire"

En quoi consiste ton métier ?
IDM. : Je suis ingénieure en sûreté nucléaire chargée de réaliser des études sur les réacteurs d’EDF pour contribuer notamment à l’évaluation des modifications les réexamens périodiques de sûreté. Je contribue à une mission de service public que réalise l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) à savoir appuyer techniquement l’autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) dans ses décisions avec des avis et des rapports d’expertises techniques.
Mon travail consiste d’abord à analyser les études de sûreté produite par EDF et, dans un premier temps, d’essayer de les reproduire avec le simulateur d’études de l’IRSN (SOFIA). Cette première étape permet de vérifier la cohérence des hypothèses de l’exploitant entre différentes disciplines (neutronique, thermo-hydraulique, procédures de conduite des réacteurs) et les principaux résultats. La deuxième étape consiste à faire des études de sensibilité en variant un certain nombre de paramètres de l’étude et à vérifier les conséquences sur les critères de sûreté afin d’écarter le risque d’effet falaise (une dégradation significative des critères de sûreté à cause d’une petite variation des paramètres de l’étude). Les conclusions de ces études permettent soit d’orienter l’instruction des dossiers d’EDF, soit de motiver des positions et des recommandations de l’IRSN.
Mon travail consiste d’abord à analyser les études de sûreté produite par EDF et, dans un premier temps, d’essayer de les reproduire avec le simulateur d’études de l’IRSN (SOFIA). Cette première étape permet de vérifier la cohérence des hypothèses de l’exploitant entre différentes disciplines (neutronique, thermo-hydraulique, procédures de conduite des réacteurs) et les principaux résultats. La deuxième étape consiste à faire des études de sensibilité en variant un certain nombre de paramètres de l’étude et à vérifier les conséquences sur les critères de sûreté afin d’écarter le risque d’effet falaise (une dégradation significative des critères de sûreté à cause d’une petite variation des paramètres de l’étude). Les conclusions de ces études permettent soit d’orienter l’instruction des dossiers d’EDF, soit de motiver des positions et des recommandations de l’IRSN.
Quel a été ton cursus académique, et en particulier ta spécialisation à ENSTA Paris ?
IDM. : En deuxième année à ENSTA Paris, j’ai opté pour une spécialisation systèmes mécaniques et chimiques. En dernière année, j’ai choisi la filière énergie électronucléaire d’ENSTA Paris complétée par le master Nuclear Engineering de l’INSTN.
Quelles ont été les grandes étapes de ton parcours depuis ta sortie de ENSTA Paris ?
IDM. : J’ai débuté ma carrière chez Rolls-Royce Civil Nuclear à Grenoble en travaillant sur des projets de conception et de rénovation de systèmes de contrôle-commande pour la France et pour l’export. J’ai par la suite été recrutée par EDF pour travailler sur la préparation du projet d’EPR de Hinkley Point C. Après ces expériences dans le privé, j’ai choisi de rejoindre l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire pour un poste d’ingénieur en sûreté chargé de suivre les essais de démarrage du réacteur EPR de Flamanville. J’ai, dans mon deuxième poste à l’institut, participé au développement de nouvelles configurations du simulateur d’études et de formation de l’IRSN notamment pour actualiser celles de l’EPR de Flamanville. J’ai par la suite naturellement évolué vers mon poste actuel d’ingénieure en sûreté nucléaire sur les études de sûreté déterministes.
Peux-tu nous donner l’exemple d’une action, d’un projet significatif que tu as mené dans le domaine du nucléaire ?
IDM. : J’ai travaillé sur la rénovation des systèmes de contrôle-commande de sûreté dans le cadre de la troisième visite décennale pour les réacteurs 1300MWe au sein de Rolls-Royce Civil Nuclear. Ce projet faisant partie du « grand carénage » avait permis de renouveler des systèmes critiques pour la sûreté des centrales 1300 et de moderniser la salle de commande qui était devenue numérique. C’était une fierté d’avoir réussi à livrer les équipements Rolls-Royce dans les délais et le niveau de qualité attendu car ça représentait à la fois des enjeux de sûreté et de production pour EDF.
Je suis aussi satisfaite de la dernière étude que j’ai menée à l’IRSN concernant la mise en œuvre de la conduite Noyau Dur Post-Fukushima sur les réacteurs 1300 MWe. Elle a permis de consolider les hypothèses de différentes études de sûreté relevant de plusieurs disciplines (neutronique, thermo-hydraulique, conduite accidentelle et incidentelle) pour élucider plusieurs questions de sûreté posées lors de l’instruction préliminaire de la mise en œuvre des équipements Post-Fukushima dans le cadre de la quatrième visite décennale.
Je suis aussi satisfaite de la dernière étude que j’ai menée à l’IRSN concernant la mise en œuvre de la conduite Noyau Dur Post-Fukushima sur les réacteurs 1300 MWe. Elle a permis de consolider les hypothèses de différentes études de sûreté relevant de plusieurs disciplines (neutronique, thermo-hydraulique, conduite accidentelle et incidentelle) pour élucider plusieurs questions de sûreté posées lors de l’instruction préliminaire de la mise en œuvre des équipements Post-Fukushima dans le cadre de la quatrième visite décennale.
De ton point de vue, quel rôle a / doit avoir l’ingénieur ENSTA dans ce domaine, notamment dans le cadre du plan France 2030 sur le nucléaire de demain et plus largement celui de l’objectif de neutralité carbone en 2050 ?
IDM. : Les ingénieurs d’ENSTA Paris peuvent contribuer aux plans France 2030 à l’objectif de 2050 par différents moyens. Ils peuvent être impliqués sur des projets de décarbonation chez les industriels. Ils peuvent aussi travailler sur des problématiques au sein des services de l’État (établissements publics, ministère de l’Écologie ou ministère de l’Économie…) où leurs compétences généralistes sont très bien accueillies.
En quoi ENSTA Paris, par la formation qu’elle dispense aux futur(e)s ingénieur(e)s, aide-t-elle la France à atteindre ses objectifs en matière de renouveau du nucléaire ?
IDM. : ENSTA Paris offre une formation généraliste avec de bonnes bases techniques et une exigence de rigueur et de persévérance qui sont des atouts pour tous les secteurs. Cette formation nous prépare à résoudre des problèmes complexes et à relever des défis. On y apprend aussi à être curieux, ouverts aux changements et à développer notre esprit critique. C’est important dans un secteur qui a de nombreux défis et qui vit de grandes mutations comme le nucléaire. La compétence la plus importante à laquelle nous forme ENSTA Paris, à mon avis, est la capacité d’apprendre tout le long d’une carrière quel que soit le métier vers lequel on s’oriente.
Gardes-tu un souvenir anecdotique de l'école ?
IDM. : Ah ! Beaucoup ! J’y ai étudié à l’époque où elle était au boulevard Victor dans le 15ème arrondissement de Paris. La directrice d’ENSTA Paris venait à l’époque en tenue militaire – je me demande d’ailleurs si c’est encore le cas ? On déjeunait à la cantine de l’armée de l’Air. C’était prestigieux et intimidant en même temps, surtout lorsqu’on est une jeune étudiante étrangère qui vient de réussir le concours Mines-Ponts après ses deux années de classes préparatoires au nord de Tunis.
J’étais très attirée par la filière nucléaire dès ma première année mais je ne savais pas si je pouvais y travailler compte-tenu de ma nationalité d’origine. J’avais sollicité un entretien avec le responsable de la filière dès le premier trimestre pour savoir si ce choix de spécialisation était pertinent dans mon cas et il m’avait rassuré et encouragé.
Aujourd’hui d’autant plus, le monde du nucléaire accueille positivement les profils issus de la diversité. Rien n’empêche un étudiant étranger de trouver un emploi dans les entreprises prestigieuses du nucléaire puis d’évoluer vers des missions de service public et même d’aspirer à des postes régaliens relevant du contrôle de la sûreté nucléaire en devenant un citoyen français.
J’étais très attirée par la filière nucléaire dès ma première année mais je ne savais pas si je pouvais y travailler compte-tenu de ma nationalité d’origine. J’avais sollicité un entretien avec le responsable de la filière dès le premier trimestre pour savoir si ce choix de spécialisation était pertinent dans mon cas et il m’avait rassuré et encouragé.
Aujourd’hui d’autant plus, le monde du nucléaire accueille positivement les profils issus de la diversité. Rien n’empêche un étudiant étranger de trouver un emploi dans les entreprises prestigieuses du nucléaire puis d’évoluer vers des missions de service public et même d’aspirer à des postes régaliens relevant du contrôle de la sûreté nucléaire en devenant un citoyen français.
As-tu des conseils à donner aux élèves actuels ?
IDM. : Restez informés sur l’actualité de la filière nucléaire aussi bien concernant l’industrie pour ce qui est des politiques publiques et de la réglementation. Cela permettra de prendre de la hauteur de vue et de faire de bons choix dans un contexte en évolution.
Choisissez bien vos stages et votre premier emploi en optant pour des environnements qui investissent sur la formation des jeunes salariés. À titre d’exemple, l’IRSN offre d’excellentes opportunités de stages dans un environnement technique de très haut niveau et très formateur. L’institut forme ses recrues tout le long de leur carrière grâce à son université interne et paye volontiers à ses salariés des formations techniques chez les industriels auxquels ont difficilement accès les salariés des entreprises du privé. Pour ceux qui souhaitent commencer leur carrière du côté des industriels et des exploitants, un premier poste sur un site nucléaire ou dans une usine serait un excellent tremplin de carrière car il vous permettra de connaître la réalité industrielle et vous donnera accès aux programmes de formation les plus complets. Par exemple, si vous avez envie de travailler sur les réacteurs de production d’électricité, passez votre permis de conduire avant d’arriver en dernière année et ayez le courage de candidater en début de carrière à un poste d’ingénieur sûreté, de chef d’exploitation ou de pilote de réacteur sur un CNPE d’EDF. Les années du premier poste passent très vite et vos compétences seront un excellent atout pour le nouveau nucléaire par la suite.
Restez curieux et ouverts d’esprit tout le long de votre carrière ; c’est une filière où l’on peut apprendre toute la vie. N’hésitez pas à changer d’employeur et/ou à diversifier vos expériences au sein d’une même entreprise. Les transitions public/privé sont aussi possibles et intéressantes. Elles représentent une opportunité à la fois pour le service public et pour le monde industriel car elles permettent à ces milieux de mieux dialoguer et mieux se comprendre pour le meilleur de la filière.
Si vous êtes intéressés par les missions de service public, sachez que la fusion entre l’IRSN et l’ASN pour former l’ASNR (Autorité de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection) à partir de 2025 vous permettra des parcours plus diversifiés au sein de ce nouvel organisme. Vous pourrez y travailler sur des sujets très techniques tels que des études ou de la R&D, sur des problématiques opérationnelles d’exploitation ou de démantèlement et vous pourrez dans l’avenir aussi avoir accès à des missions régaliennes comme l’inspection ou l’élaboration de la réglementation nucléaire.
Enfin, mon dernier conseil est de développer votre réseau professionnel et de ne pas hésiter à demander des conseils et des informations à vos camarades d’ENSTA Paris des promotions antérieures ou de la même promotion chez d’autres employeurs. Vous saurez ainsi bien orienter votre carrière en fonction de vos souhaits à chaque étape de votre vie professionnelle.
Choisissez bien vos stages et votre premier emploi en optant pour des environnements qui investissent sur la formation des jeunes salariés. À titre d’exemple, l’IRSN offre d’excellentes opportunités de stages dans un environnement technique de très haut niveau et très formateur. L’institut forme ses recrues tout le long de leur carrière grâce à son université interne et paye volontiers à ses salariés des formations techniques chez les industriels auxquels ont difficilement accès les salariés des entreprises du privé. Pour ceux qui souhaitent commencer leur carrière du côté des industriels et des exploitants, un premier poste sur un site nucléaire ou dans une usine serait un excellent tremplin de carrière car il vous permettra de connaître la réalité industrielle et vous donnera accès aux programmes de formation les plus complets. Par exemple, si vous avez envie de travailler sur les réacteurs de production d’électricité, passez votre permis de conduire avant d’arriver en dernière année et ayez le courage de candidater en début de carrière à un poste d’ingénieur sûreté, de chef d’exploitation ou de pilote de réacteur sur un CNPE d’EDF. Les années du premier poste passent très vite et vos compétences seront un excellent atout pour le nouveau nucléaire par la suite.
Restez curieux et ouverts d’esprit tout le long de votre carrière ; c’est une filière où l’on peut apprendre toute la vie. N’hésitez pas à changer d’employeur et/ou à diversifier vos expériences au sein d’une même entreprise. Les transitions public/privé sont aussi possibles et intéressantes. Elles représentent une opportunité à la fois pour le service public et pour le monde industriel car elles permettent à ces milieux de mieux dialoguer et mieux se comprendre pour le meilleur de la filière.
Si vous êtes intéressés par les missions de service public, sachez que la fusion entre l’IRSN et l’ASN pour former l’ASNR (Autorité de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection) à partir de 2025 vous permettra des parcours plus diversifiés au sein de ce nouvel organisme. Vous pourrez y travailler sur des sujets très techniques tels que des études ou de la R&D, sur des problématiques opérationnelles d’exploitation ou de démantèlement et vous pourrez dans l’avenir aussi avoir accès à des missions régaliennes comme l’inspection ou l’élaboration de la réglementation nucléaire.
Enfin, mon dernier conseil est de développer votre réseau professionnel et de ne pas hésiter à demander des conseils et des informations à vos camarades d’ENSTA Paris des promotions antérieures ou de la même promotion chez d’autres employeurs. Vous saurez ainsi bien orienter votre carrière en fonction de vos souhaits à chaque étape de votre vie professionnelle.
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