Interview de Julien BOZZOLO (promo 2008)

Interview réalisée dans le cadre du dossier "Ingénieurs ENSTA Paris et nucléaire"
 

En quoi consiste ton métier ?

JB. : Mon métier consiste à assurer la maîtrise d’ouvrage pour le compte d’Orano Chimie Enrichissement des projets du site de conversion de Malvesi (11). Il s’agit de s’assurer que les projets que je supervise répondent aux besoins, aux exigences et standards du groupe, de la Business Unit et du site.

Quel a été ton cursus académique, et en particulier ta spécialisation à ENSTA Paris ?

JB. : Je suis rentré à ENSTA Paris en 2004. J’ai suivi une spécialisation en mécanique des solides et des fluides pour ensuite me spécialiser dans les métiers de la construction et du génie civil, en partenariat avec l’école des Ponts.
 

Quelles ont été les grandes étapes de ton parcours depuis ta sortie de ENSTA Paris ?

JB. : J’ai commencé ma carrière sur des projets en lien avec l’industrie, tout d’abord au sein de VSL Hong-Kong puis de Vinci Construction France, où j’ai assuré diverses fonctions au sein d’ingénieries internes, au service des chantiers de gros œuvre d’ouvrages hydrauliques et industriels (stations d’épuration, barrages, réservoirs). En 2015, j’ai souhaité ensuite aborder ces grands projets dans leur globalité, et c’est pour cela que j’ai saisi l’opportunité de rejoindre l’ANDRA, une agence publique qui assure entre autres, la maîtrise d’ouvrage des sites futurs et existants de gestion des déchets nucléaires français. J’ai travaillé essentiellement sur le projet CIGEO. En 2022, j’ai rejoint le groupe Orano, toujours pour assurer cette fonction de maîtrise d’ouvrage, mais cette fois sur des projets en lien avec la rénovation d’un atelier de ce site stratégique pour la filière.
 

Peux-tu nous donner l’exemple d’une action, d’un projet significatif que tu as mené dans le domaine du nucléaire ?

JB. : J’ai eu la chance de suivre toute la phase d’études d’avant-projet détaillé de CIGEO, le projet de stockage en couche géologique profonde des déchets nucléaires les plus radioactifs. Cette phase a permis de franchir deux jalons importants du projet : la déclaration d’utilité publique (DUP) et le dépôt du dossier de demande d’autorisation de construction (DAC) auprès de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire). Mon rôle au sein de l’équipe de chargés d’affaires était de m’assurer que les maîtrises d’œuvre produisaient des éléments techniques cohérents et au bon niveau pour nourrir les différents dossiers de DUP et de DAC.
 

De ton point de vue, quel rôle a / doit avoir l’ingénieur ENSTA dans ce domaine, notamment dans le cadre du plan France 2030 sur le nucléaire de demain et plus largement celui de l’objectif de neutralité carbone en 2050 ?

JB. : L’ingénieur ENSTA Paris doit mettre sa culture scientifique, son excellence technique et son ouverture d’esprit au service des enjeux climatiques. Le secteur du nucléaire, parce qu’il permet de produire une énergie très bas-carbone, prendra sa part, et elle ne sera pas négligeable. Suite au discours de Belfort du président Macron en 2022, de nombreux programmes vont voir le jour, aussi bien pour construire de nouveaux réacteurs mais aussi pour pérenniser et préparer l’avenir du cycle du combustible. Ces sujets sont au cœur de la réindustrialisation et de la préservation de la souveraineté de notre pays. En 2007 puis en 2008 quand j’ai obtenu mon diplôme, une grande partie de la promotion a rejoint le groupe qui s’appelait encore AREVA dans une période où la filière était en plein développement. 16 ans plus tard, la filière a mûri, prenant encore mieux en compte les enjeux d’acceptabilité sociétale et son rôle au sein d’une future société bas-carbone ; nul doute qu’une grande partie des futurs ENSTA pourra de nouveau participer à l’aventure du renouveau du nucléaire, au sein de grands groupes mais aussi d’un environnement dynamique de startups. Les ENSTA peuvent exercer des fonctions nécessitant une grande expertise technique, des capacités de leadership et d’ouverture d’esprit pour faire dialoguer entre elles les nombreuses équipes qui travaillent sur le nucléaire de demain.

En quoi ENSTA Paris, par la formation qu’elle dispense aux futur(e)s ingénieur(e)s, aide-t-elle la France à atteindre ses objectifs en matière de renouveau du nucléaire ?

JB. : ENSTA Paris permet à ses élèves d’avoir une forte culture scientifique tout en développant une ouverture d’esprit et une grande exigence. Dans les futurs projets du nucléaire, il est nécessaire de faire travailler ensemble et d’embarquer de grandes équipes multidisciplinaires et de nombreuses parties prenantes, pas seulement au sein de son organisation. L’ingénieur ENSTA a dans sa formation les atouts nécessaires pour écouter, comprendre et rentrer dans un dialogue exigeant avec un juriste, un haut-fonctionnaire, un expert en sûreté nucléaire ou un membre d’une association environnementale et permettre de les embarquer dans ces programmes complexes. La réussite de ces programmes est nécessaire à notre pays pour atteindre ses objectifs environnementaux et sociaux ; et c’est cette réussite qui nous rendra fière dans le futur d’avoir pu construire une nation moderne capable de vivre sans addiction aux énergies fossiles.

Gardes-tu un souvenir anecdotique de l'école ?

JB. : Je garde de l’école beaucoup de souvenirs qui ont eu de l’influence sur mes choix de vie, notamment la grande vitalité des associations qui m’ont permis entre autres de découvrir ma passion de la mer. Je garde l’image d’une rentrée de nuit au port de Lorient sous les voiles d’un ancien voilier d’ENSTA Paris qui m’a donné le déclic, mais aussi la possibilité de suivre des cours d’une grande diversité et de très grande qualité.

As-tu des conseils à donner aux élèves actuels ?

JB. : Le premier conseil que je donnerais est de prendre le temps de ses études pour essayer et se forger sa propre idée sur les différents domaines, les différentes organisations dans lesquelles vous souhaitez évoluer. Le deuxième n’est pas de se mettre une pression inutile sur le premier conseil car il est toujours possible de bifurquer et changer de domaine d’expertise. Enfin, même si notre école n’est pas connue du grand public, il ne faut pas s’en faire car ce qui est déterminant, ce sont les enseignements reçus, ce que nous en faisons dans notre vie personnelle et professionnelle et les expériences que nous en tirons.
Consulter le profil de Julien BOZZOLO