Interview de Nicolas CLICHE (promo 2016)

Interview réalisée dans le cadre du dossier "Ingénieurs ENSTA Paris et nucléaire"
 

En quoi consiste ton métier ?

NC. : Je suis ingénieur militaire au sein des programmes navals de la Direction Générale de l'Armement (DGA). Plus précisément, je suis architecte de la plateforme des sous-marins nucléaires de type Barracuda. La DGA assure la maîtrise d'ouvrage, c'est-à-dire qu'elle achète à un industriel la conception et la fabrication de ces sous-marins et elle supervise le contrat. Mon métier consiste à suivre techniquement l'avancée du chantier, la mise en route des installations, et de suivre les essais, que ce soit à quai ou ensuite en mer. Mettre en route un sous-marin nucléaire est très riche techniquement. Cela comprend le démarrage du réacteur et des machines à vapeur, la première plongée, les essais nautiques… et cela s’accompagne aussi d'instructions de dossiers, d’aléas techniques et de modifications pour une amélioration continue au cours de la vie du projet.
 

Quel a été ton cursus académique, et en particulier ta spécialisation à ENSTA Paris ?

NC. : Je suis de la promotion ENSTA Paris 2016. Je suis entré à l'école grâce au corps de l'armement après une scolarité à l’École polytechnique dominée par la mécanique du solide, le nucléaire et les mathématiques appliquées. J'ai suivi à ENSTA Paris un cursus aménagé entre l'option transport terrestre et le master Multiphysics and Multiscale Modeling of Materials and Structures de l'université Paris-Saclay. J'ai donc surtout suivi des cours de matériaux et de mécanique. J'ai vraiment aimé l'aspect concret et industriel des cours de troisième année d'ENSTA Paris, qui complétaient efficacement les cours très académiques que j'avais suivis à l'X. J'ai fait mon stage de fin d'études à l'Université du Texas à Austin dans un laboratoire de mécanique. Bien que mon passage sur le campus ENSTA Paris ait été bref, j'en garde un bon souvenir et des amitiés sincères.
 

Quelles ont été les grandes étapes de ton parcours depuis ta sortie de ENSTA Paris ?

NC. : Après mon stage, j'ai commencé une thèse de doctorat à la direction des applications militaires du CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) et au centre des matériaux de l’École des Mines. En partenariat avec Aubert & Duval et Naval Group, j'ai contribué à améliorer les processus industriels de fabrication des pièces forgées en acier inoxydable pour le nucléaire. J'ai eu la chance de recevoir deux prix pour ma thèse de doctorat : le prix Amiral Daveluy de la Marine nationale et le prix de thèse de l'Académie de Marine. J'ai ensuite travaillé quatre ans au service de propulsion nucléaire, d'abord comme expert en mécanique et matériaux pour la fabrication des composants principaux des réacteurs de propulsion (cuve, générateur de vapeur, pressuriseur…) puis en tant qu'architecte du réacteur des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de troisième génération. Cela m'a permis d'avoir une vision d'ensemble de la conception et de la fabrication d'un réacteur. J'ai découvert des domaines très variés comme les instructions de sûreté, la R&D du CEA, le travail avec TechnicAtome, Naval Group et leurs sous-traitants…
 

Peux-tu nous donner l’exemple d’une action, d’un projet significatif que tu as mené dans le domaine du nucléaire ?

NC. : J’ai eu l’opportunité de définir le contenu technique d’une nouvelle convention de recherche et développement pluriannuelle entre Framatome, le CEA et Naval Group dans le domaine de la métallurgie. Ces travaux permettent de mieux comprendre les propriétés des matériaux de structure et de simuler leur mise en forme et leurs propriétés, depuis le lingot jusqu’à la pièce forgée.
 

De ton point de vue, quel rôle a / doit avoir l’ingénieur ENSTA dans ce domaine, notamment dans le cadre du plan France 2030 sur le nucléaire de demain et plus largement celui de l’objectif de neutralité carbone en 2050 ?

NC. : J’encourage les ingénieurs ENSTA Paris à faire du terrain en début de carrière pour apprendre comment fonctionne l'industrie, les bureaux d'étude, les usines pour ensuite être pertinents dans les postes de direction de l'industrie nucléaire ou dans la haute administration. Il faut être au meilleur niveau technique pour pouvoir innover et savoir prendre du recul – surtout dans le domaine du nucléaire où les changements sont difficiles. Cela sera une condition de la réussite de la relance massive du nucléaire. Cela passera également par un travail d’acceptation politique et sociétal, dans lequel les élèves ENSTA Paris peuvent aussi s’investir.
 

En quoi ENSTA Paris, par la formation qu’elle dispense aux futur(e)s ingénieur(e)s, aide-t-elle la France à atteindre ses objectifs en matière de renouveau du nucléaire ?

NC. : Lors de mon passage à l’école, l'option nucléaire n'attirait plus et je crois qu'elle avait même fini par disparaître. Je me réjouis qu'ENSTA Paris relance une formation nucléaire, que ce soit pour la production d'énergie civile ou pour les applications militaires. ENSTA Paris doit se positionner comme la formation incontournable du nucléaire en France, avec un scope plus large que celle du génie atomique de l'INSTN mais avec un fond technique plus précis que celle de l’École des Mines.
 

Gardes-tu un souvenir anecdotique de l'école ?

NC. : En plus des cours d’ingénierie, les élèves admis en troisième année comme moi devions faire un projet d’entrepreneuriat – même pour les ingénieurs militaires ! Avec trois autres camarades, nous avions développé l’idée d’une startup de détection de drones. Nous avions emprunté du matériel aux laboratoires d’ENSTA Paris : un drone, une caméra thermique, des micros… et avions essayé de détecter le drone volant au-dessus des terrains de sport de diverses manières… Cela n’avait pas été très concluant mais nous avions appris à bien « pitcher » nos idées !
 

As-tu des conseils à donner aux élèves actuels ?

NC. : Profitez de votre scolarité pour approfondir les sujets techniques car ce sera ensuite plus difficile de trouver le temps de découvrir des domaines scientifiques nouveaux. Organisez des visites de sites nucléaires entre élèves. Profitez de la diversité des activités proposées et nouez des contacts car vous n’aurez plus aussi facilement accès à autant de conférences, de personnes de haut niveau et d’associations variées. Renseignez-vous sur le concours des ingénieurs de l’armement : vous y avez toutes vos chances !
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